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Hétérogène, dispersée, inaccessible, comment reprendre en main la donnée de santé ?

Hétérogène, dispersée, inaccessible, comment reprendre en main la donnée de santé ?

Le monde de la santé tire de plus en plus profit du numérique. Mais les bénéfices pourraient être bien plus grands et les usages plus ambitieux avec une donnée rationalisée, standardisée et surtout disponible.

Le monde de la santé génère des quantités astronomiques de données. Environ 30 % de la donnée mondiale est aujourd’hui produite par ce seul secteur. Ce sont donc des zettaoctets de data qui transitent par les systèmes d’information hospitaliers, les PACS, les DPI, etc. Mais il y a un mais, seulement 57 % de cette donnée est utilisée pour prendre des décisions.

Didier Tassin
Didier Tassin, Directeur Commercial France de Visus (Groupe CGM).

Pourquoi ? Tout d’abord parce qu’elle est parfois inaccessible. Seuls 16 % des dossiers patients sont véritablement complets. Lorsque des informations manquent à l’appel, les médecins peuvent tout simplement s’en passer, s’ils les jugent non essentielles, ou partir à leur recherche. « Toutes les études démontrent qu’un soignant perd entre 30 et 60 minutes chaque jour pour chercher des documents médicaux, car ces données ne sont pas suffisamment maîtrisées et intégrées », explique Didier Tassin, Directeur Commercial France de Visus (Groupe CGM), éditeur spécialisé dans la gestion de données médicales.

Le DPI face au poids de l’histoire

Le patrimoine numérique est en effet complexe dans les établissements de santé, notamment car il est extrêmement hétérogène. La loi de santé 2016 a tenté de rapprocher les établissements et les systèmes, avec la création de 135 groupements hospitaliers de territoire (GHT). Mais tout est loin d’être résolu.

Un DPI peut donc être utilisé pendant 15 à 20 ans. Idem pour un PACS.

 

« L’ambition est de faire travailler des établissements ensemble, mais chacun a son historique technique et des engagements financiers qui ne sont pas toujours amortis, rappelle Didier Tassin. Mettre en place un DPI par exemple, est une démarche structurante et coûteuse. Un DPI peut donc être utilisé pendant 15 à 20 ans. Idem pour un PACS. Si la prise de conscience quant à la criticité de la donnée est bien réelle, elle se heurte au poids de l’histoire. »

Les DPI ou PACS ne sont pas les seuls en cause. « Nous avons récemment réalisé un inventaire logiciel dans un CHU français, indique Emmanuel Canes, Healthcare Field Director EMEA chez Dell Technologies. Nous avons recensé plus de 300 applications, dont une centaine avait été installée directement par les médecins, sans concertation avec l’équipe informatique. »

Dell Technologies a accompagné un institut de recherche dont les données étaient dispersées à travers le monde et sur différents supports.

HL7, le langage des applicatifs de santé

Il existe aujourd’hui des technologies extrêmement puissantes et matures qui permettent d’utiliser la donnée pour améliorer la qualité des soins prodigués aux patients. « Ce qui manque souvent, c’est la capacité de collecter et stocker l’ensemble des données avec une urbanisation homogène pour les mettre à disposition de l’ensemble des utilisateurs éligibles et qu’ils puissent les consommer, chacun à travers son logiciel spécialisé et dans le contexte clinique du patient, pour une exploitation contextualisée rapide », observe Didier Tassin.

Emmanuel Canes, Healthcare Field Director EMEA chez Dell Technologies
Emmanuel Canes, Healthcare Field Director EMEA chez Dell Technologies.

Autrement dit, rationaliser au maximum la donnée, quels qu’en soient les formats et lieux de production d’origine en respectant tous les standards est pour cela un passage obligé. « Ce sont ces standards qui permettent l’interopérabilité et par conséquent la capture de la donnée », note le responsable de Visus.

« Dans notre métier de fournisseurs d’infrastructures, nous travaillons sur des protocoles de très bas niveau, précise Emmanuel Canes. Mais les applications elles, ne parlent pas « fichier » ou « objet ». Elles parlent « HL7 » ».

HL7 (Health Level Seven), DICOM (Digital Imaging and Communications in Medicine), IHE (Integrating the Healthcare Enterprise), des standards ont été établis pour faciliter les échanges de données ou l’identification numérique des patients. « Il faut changer le paradigme, suggère Didier Tassin. Ne plus penser logiciel métier d’abord, mais donnée d’abord ! De plus en plus de GHT entrent dans des stratégies de DPI de territoire pour que tous les établissements aient le même outil. Le point de départ le plus efficient consiste en une intégration rationnelle de toutes les données médicales nécessaires aux soignants, quand celles-ci sont aujourd’hui stockées avec des méthodes très hétérogènes, compliquant de fait leurs accès ».

Pas d’usage sans confiance

Outre l’urbanisation, l’exploitation de la donnée nécessite un autre élément crucial : la confiance. Beaucoup d’informations sont par exemple encore aujourd’hui produites sur papier. Le processus de dématérialisation doit donc garantir l’intégrité de la donnée d’origine. « Il faut être absolument certain que la donnée qui va être stockée soit fiable, fidèle, traçable et inviolable », rappelle Didier Tassin.

Après le respect des standards, la solution viendra ici du respect des normes. La norme NF Z42-026 spécifie des exigences « permettant de produire, par numérisation de documents sous forme papier, des copies fiables et fidèles de ceux-ci ».

La confiance passe par une bonne gestion des accès.

 

L’utilisation d’une solution basée sur une archive conforme à la norme NF Z42-013, garantit également aux utilisateurs « que des documents numériques soient archivés en garantissant l’intégrité, l’inviolabilité et la traçabilité nécessaires pendant toute la durée de conservation ».

La confiance passera également par une bonne gestion des accès. Particulièrement sensibles, les données de santé ne doivent pouvoir être consultées que par les soignants éligibles. Pour obtenir un haut niveau de granularité, qui permette de rendre la donnée disponible pour les bonnes personnes tout en respectant la vie privée des patients, les différentes parties prenantes vont devoir s’installer autour de la table pour travailler de concert : archivistes, équipes informatiques et personnel soignant.

« Quand on numérise une donnée pour la rendre disponible à un médecin, on doit également assurer sa sécurité, insiste Emmanuel Canes. Les RSSI sont des interlocuteurs indispensables pour garantir la disponibilité d’une copie saine, notamment en cas de cyber-attaque. »

La rationalisation, un prérequis à l’innovation

Ce travail de fond sur la donnée est indispensable au suivi des patients aujourd’hui, mais également aux innovations de demain. « Tant qu’on n’aura pas rationalisé la donnée brute, il me semble prématuré d’imaginer que l’on va pouvoir généraliser le déploiement d’EDS (Entrepôt de Données de Santé) ou l’exploitation d’algorithmes d’IA, indique Didier Tassin. Commençons par maîtriser la donnée. Ensuite, les établissements de santé pourront innover avec. »

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